Il était une fois… les Femmes Médecins !

Même si cette année, le mois de mars revêt des atours anxiogènes pour chacun d’entre nous, il est aussi le mois du renouveau avec l’arrivée du printemps, du passage de l’heure d’hiver à l’heure d’été.  C’est également le mois célébrant la « Journée des Nations unies pour les droits des femmes et la paix internationale » plus connue sous le nom de « Journée internationale de la femme ». 

 

Pourquoi ne pas profiter de ce mois de mars pour évoquer les femmes pionnières en médecine ?

 

De manière non exhaustive et sans pour autant établir un inventaire à la Prévert, petit focus sur certaines de ces femmes Médecins, connues ou moins connues.

 

Dans l’Antiquité

 

Nous voici partis en Grèce ancienne, 350 ans avant J.C., afin de rencontrer Agnodice, femme Médecin et Gynécologue.

 

Agnodice nous est décrite comme une jeune femme brillante, appartenant à la haute société athénienne. Confrontée aux lois athéniennes lui interdisant d’étudier et cependant soutenue par son père, elle se coupe les cheveux, raccourcit sa tunique et prend le pseudo masculin de  Miltiade pour suivre les cours d’Hérophile, célèbre Médecin de l’époque. 

 

Ses études sont couronnées de succès puisqu’elle obtient la première place à l’examen de médecine et devient Gynécologue. 

 

Athènes et ses lois l’obligent une fois encore à évoluer sous une apparence masculine malgré son diplôme ou plutôt à cause de celui-ci, car la profession de Gynécologue est alors interdite aux femmes et aux esclaves.

 

Agnodice se consacre aux accouchements et aux maladies des femmes. Elle rencontre rapidement un franc succès, les patientes sont nombreuses à venir la consulter. Comble de l’ironie, ses confrères masculins, jaloux de sa réussite (et pensant avoir affaire à l’un des leurs), l’accusent devant le tribunal athénien de se servir de son métier pour séduire les femmes mariées lors de ses consultations…

 

Au Moyen Age

 

XIè siècle, Italie et plus précisément Salerne au sud-est de Naples. Cette ville italienne située sur la côte amalfitaine est réputée depuis le Moyen Age pour y avoir abrité la première école européenne de médecine. Son rayonnement est tel que Médecins et étudiants en médecine de toute l’Europe y convergent. Et chose remarquable, les femmes y sont autorisées à étudier et à enseigner aux côtés des hommes.

 

L’hôpital de la ville accueille les riches malades Romains mais aussi les pèlerins chrétiens de retour de croisade qui viennent à Salerne pour soigner leurs maladies et leurs blessures. 

 

D’où notre rencontre avec Trotula di Ruggerio dont l’existence a été confirmée dans les années 2000, après avoir été contestée au XIXè siècle par Karl Sudhoff, historien de la médecine.

 

Trotula, est une femme Médecin, Chirurgienne et Gynécologue. Elle a même dirigé et occupé une chaire de médecine à l’école de Salerne.

 

Elle est également l’auteur d’un recueil de trois traités de gynécologie et de cosmétique : « Les maladies des femmes », « Traitements pour les femmes » ou « Soins cosmétiques pour les femmes ». Ouvrages écrits en latin mais traduits en plusieurs langues et surtout ouvrages de références en gynécologie au Moyen Age.

 

Trotula utilise de nombreux remèdes à base d’onguents, d’épices et de plantes médicinales. Elle n’hésite pas à utiliser les opiacés pour diminuer les douleurs de l’accouchement. Ce qui pour le Moyen Age est totalement nouveau !

 

Plus proches de nous

 

Au Canada, en 1831, naît Emily Jennings Howard Stowe. 

 

Issue d’une famille de fermiers, Emily a la chance d’avoir une mère pour laquelle l’éducation est primordiale. Tellement primordiale, qu’elle préfère assurer elle-même l’instruction de ses filles faute de trouver une école locale capable de remplir ce rôle.

 

Emily devient institutrice à 15 ans et enseigne pendant sept ans.

 

Souhaitant poursuivre ses études, elle intègre l’école normale du Haut-Canada de Toronto, seule école offrant aux femmes la possibilité de suivre des études avancées. Diplômée en 1854, elle devient la première directrice d’une école publique du Haut-Canada. 

 

La tuberculose contractée par le mari d’Emily pousse cette dernière à s’intéresser aux plantes médicinales et à l’homéopathie. Et à envisager de devenir Médecin. Sa demande d’admission à l’école de médecine de Toronto lui étant refusée, elle déménage aux Etats-Unis afin d’entrer au collège de médecine pour femmes de New York (établissement de médecine homéopathique fondée par une femme, Clémence Sophia Lozier). 

 

Diplôme en poche, c’est en 1867 qu’Emily regagne son Canada natal avec pour ambition de s’installer à Toronto pour exercer la médecine homéopathique en tant que spécialiste dans les maladies des femmes et des enfants.

 

C’est sans compter l’opposition de l’Ordre des Médecins et Chirurgiens de l’Ontario qui vont lui refuser sa licence. Sans compter également les accusations d’avortement dont elle est victime et le long procès qui s’en suivra. Malgré toutes ces embûches, Emily obtient son permis d’exercice de la médecine en juillet 1880. Elle devient ainsi la deuxième femme à exercer officiellement au Canada.

 

1875 en France,  Madeleine Brès est la première femme à soutenir son doctorat et à obtenir la mention « extrêmement bien » pour sa thèse sur la composition chimique du lait maternel.

 

Avant cela, en 1870, Madeleine Brès a exercé à l’Hôpital de la Pitié Salpétrière, comme interne pendant tout le siège de Paris. Élève stagiaire au sein du service du Docteur Paul Broca, ce dernier ne tarit pas d’éloges au sujet de son élève insistant sur son zèle et son dévouement sans faille en dépit du bombardement de l’hôpital.

 

Et malgré cela, la demande de Madeleine pour passer le concours de l’externat et de l’internat en 1871 est rejetée par le Directeur de l’administration de l’Assistance publique. Surtout, ne pas créer de précédent et risquer que les femmes ne présentent en masse ce concours ! La pression des étudiantes pour obtenir les mêmes droits que leurs homologues masculins aboutit à l’ouverture de l’externat et de l’internat aux femmes, en 1885.

 

Quant à Madeleine Brès, son veuvage la pousse à s’installer dans un cabinet parisien pour exercer. Elle se spécialise alors dans la relation mère / bébé et dans l’hygiène des enfants. Forte des compétences acquises dans ces domaines, Madeleine Brès donne des conférences dans les crèches et les classes maternelles afin de transmettre son savoir au personnel évoluant aux côtés des jeunes enfants. Elle fonde sa propre structure de garde et de soins gratuits pour les enfants jusqu’à l’âge de trois ans. Afin de renforcer ses connaissances, elle part en Suisse en 1891 pour y étudier la façon dont les crèches et les asiles sont structurés. En 1883, elle dirige le journal Hygiène de la femme et de l’enfant.  

 

Loin de se contenter des professions médicales dans lesquelles elles sont souvent cantonnées – on tolère en effet qu’une femme soit infirmière ou sage-femme – nombreuses sont celles qui ont forcé la société et l’époque dans laquelle elles vivaient à évoluer et à leur laisser la place qu’elles méritent.

 

C’est aussi la nature même de la Femme qui est mise en évidence en leur refusant le droit d’accéder aux études de médecine et par là-même à l’exercice de la médecine. La femme considérée comme « faible » ne peut pas avoir la force physique nécessaire au métier de Médecin ! De plus, la femme dotée de beauté et de sensibilité (sensiblerie ?) ne peut être confrontée au dégoût suscité par la vue du sang, des corps, de la saleté !!...

 

Entre 1947 et 2004, ce sont 7 femmes qui ont obtenu le prix Nobel de Médecine.

 

Aujourd’hui, en France, 47% des Médecins en activité sont des femmes.

 

Emmanuelle Cocault